Logo Université TÉLUQ.

Institut d'intelligence artificielle appliquée (Institut I2A).

COVID-19 : Étude en ligne

Résumé des premiers résultats : étude internationale (France-Canada) AGIR-COVID-19 P. Delhomme, T. Meyer & E. Vallières 1

Introduction

L'étude avait pour but, dans un premier temps, d'évaluer à quel point la population adulte du Québec ou en France, était d'accord pour respecter les demandes des services de santé publics ou sanitaires en adoptant les gestes recommandés pour se protéger de la COVID-19. Ces gestes étaient les suivants :  

  • Se laver les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l'eau et au savon. 
  • Maintenir la distance recommandée avec les autres personnes, en particulier si elles toussent, éternuent ou ont de la fièvre. 
  • Ne plus se toucher le visage. Les zones des yeux, du nez et de la bouche étant de véritables portes d'entrée pour le virus. 
  • Se couvrir la bouche et le nez avec le pli du coude ou avec un mouchoir en cas de toux ou d'éternuement.
  • Ne sortir qu'en cas de vraie nécessité (et en essayant de regrouper ses besoins en une seule sortie). 
  • Porter un masque hors de chez soi.

Dans un deuxième temps, les chercheurs voulaient évaluer si les participants français et canadiens différaient significativement sur l'adoption de ces gestes ainsi que sur d'autres caractéristiques psychosociales. Les résultats rapportés ci-dessous décrivent les caractéristiques sociodémographiques et socioprofessionnelles des participants, leurs conditions de confinement et de santé au moment de l'étude et le degré d'adoption des gestes recommandés par la santé publique ou sanitaire de leur pays respectif.

Les résultats présentés sont préliminaires et des analyses plus exhaustives et les résultats obtenus feront l'objet d'un article scientifique à soumettre pour publication au cours de la prochaine année.

Le recrutement des participants s'est fait via les réseaux sociaux. Au total 806 participants issus de France métropolitaine ou du Québec ont été retenus avec un questionnaire exploitable.

Qui sont les participants : pays — genre — groupe d'âge

Deux participants sur trois (67,1 %) habitent la France (métropolitaine/outremer) et un sur trois (32,9 %) habite le Québec. Les femmes sont deux fois plus nombreuses à avoir participé que les hommes (68,2 % vs 31,6 %), et les participants se répartissent assez également entre les différents groupes d'âge comme on peut le voir au tableau 1, si ce n'est qu'ils sont un peu plus nombreux dans le groupe des 18-24 ans et un peu moins nombreux chez les 65-74 ans, à l'exception des 75 ans et plus.

Tableau 1 : Répartition des participants par groupe d'âge.

Groupe d'âge

18-24

25-34

35-44

45-54

55-64

65-74

75-84

85 et +

NB

173

138

123

125

124

89

25

1

%

21,7

17,3

15,4

15,7

15,5

11,2

3,1

0,1

Niveau de scolarité — catégorie socioprofessionnelle

Les participants sont plus nombreux à avoir une scolarité de niveau universitaire, en particulier la License/BAC et le Master/maîtrise comme on peut le voir au tableau 2

Tableau 2 : Répartition par niveau de scolarité

Niveau atteint

Primaire

Secondaire

Diplôme 2 ans/cégep

License/BAC

Master/maitrise

Doctorat

NB

6

104

141

206

239

102

%

0,8

13,0

17,7

25,8

29,9

12,8

Les groupes socioprofessionnels les plus nombreux à participer sont les cadres et ceux des professions intellectuelles, puisque plus d'un participant sur quatre en fait partie (27,8 %), suivi des étudiants (24,1 %), des employés (19,3 %) et des retraités (14,3 %). Les autres catégories d'emploi varient entre 6,5 % (professions intermédiaires) et 0,5 % (ouvriers, ouvrières).

Conditions du confinement : chez soi, en couple avec ou sans enfant

Au moment de répondre au questionnaire, la très grande majorité des participants (92,5 %) rapportent être confinés à leur domicile, et plus de la moitié (57 %) le sont en couple, avec (25,7 %) ou sans enfant (31,2 %). Un peu moins d'un participant sur cinq (18,8 %) était avec un parent ou seul (16,6 %), et seulement 3 % sont en colocation (ou l'équivalent). Le reste des participants (4,6 %) étaient dans des situations autres, comme en famille ou en famille d'accueil avec plusieurs enfants, en situation de partage de temps, etc. Parmi ceux qui n'étaient pas seuls, le quart (25 %) étaient avec une seule autre personne, ou avec deux autres personnes (26,5 %), une personne sur cinq (20 %) était avec trois autres personnes, et plus du quart (27,7 %) avec quatre personnes et plus.

Conditions de travail : pour la moitié, c'est à distance, et 5 % ont un travail à haut risque

La moitié des participants (51,3 %) travaillent à distance de leur domicile, un peu plus du tiers travaillent aussi chez eux, mais sans travail imposé. Une personne sur vingt travaille à l'extérieur avec risque modéré (5,6 %) ou à risque élevé (4,9 %).

Santé des participants et des proches concernant la covid-19 : peu sont affectés

Si la très grande majorité des participants (84,9 %) rapportent n'avoir pas été affectés, sur le plan de leur santé, par la COVID-19, il y a tout de même 15 % qui ont eu l'impression d'avoir des symptômes et disent s'en être remis.

Santé : elle est bonne en général, avec problèmes chroniques pour certains

Pour la plupart des participants, la santé en général est qualifiée de très bonne, pour plus du tiers d'entre eux (39 %) et de bonne pour presque la moitié (45 %). Elle est moyenne pour 14 % et mauvaise pour moins de 1 % d'entre eux. Par contre, plus du quart des participants (27 %) déclarent souffrir d'une maladie ou d'un problème de santé chronique. À cet égard, ces problèmes imposent peu de limites aux activités habituelles, puisque moins de 1 % disent être sévèrement limités, et un peu plus d'un participant sur dix se dit seulement limité.

Gestes barrières sécuritaires et recommandés : certains plus suivis que d'autres

Dans la section portant sur le degré d'adoption des gestes recommandés, il était demandé aux participants, participantes à l'étude, d'indiquer la fréquence d'adoption de ces gestes par soi-même ou par des personnes du même âge que soi.

Résultats

Comme on peut le voir à la figure 1 ci-dessous, la différence la plus marquante entre les participants de la France et le Québec est que ceux de la France déclarent porter le masque plus souvent que ceux du Québec. Nous verrons un peu plus bas, les raisons qui expliquent ces différences pour ce geste protecteur.

En ce qui concerne la fréquence déclarée des autres gestes recommandés, les participants devaient estimer cette fréquence pour eux-mêmes et pour « quelqu'un de votre âge » (l'ordre était contrebalancé). Les participants du Canada et de la France disent que comparativement aux personnes du même âge, ils se lavent plus fréquemment les mains, maintiennent plus la distance recommandée, se couvrent plus la bouche et le nez avec le pli du coude ou un mouchoir en cas de toux et d'éternuement et ne sortent qu'en cas de vraie nécessité. Pour ces gestes les plus fréquents, la comparaison est en moyenne toujours favorable à soi. Toutefois, dans les deux pays, la fréquence déclarée pour le port du masque et le toucher du visage (les gestes barrières les moins fréquents), est la même pour eux ou pour les personnes du même âge.

Un certain nombre de questions portaient sur les raisons pourquoi les gens font les gestes de protection recommandés. Par exemple, en ce qui concerne le lavage de main, la presque totalité (9/10) des participants, tant français que québécois, dit le faire parce qu'ils ont choisi de le faire et pour trois sur quatre d'entre eux, c'est aussi parce qu'ils sont censés le faire.

Cette consigne est celle qui est la plus suivie par les deux groupes. Vient ensuite le respect de la distance recommandée (82,3 % - par choix) et le fait de se couvrir la bouche et le nez en cas de toux ou d'éternuement (72,9 % — par choix).

Figure 1 : Fréquence estimée des gestes barrières pour soi (moi) et pour « quelqu'un de votre âge » (QVA) au Québec et en France

Note : Comportement : 1 = se laver les mains, 2 = maintenir la distance, 3 = ne plus se toucher le visage, 4 = se couvrir la bouche, 5 = ne sortir qu'en cas de nécessité, 6 = porter un masque ; DV_1 = Fréquence de 1 = « jamais » à 5 « toujours ».

Deux autres gestes sont suivis par deux participants sur trois, soit parce qu'il s'agit de leur choix et/ou parce que c'est ce qu'ils sont censés faire. Il s'agit d'éviter de se toucher le visage (65,4 % et 63,4 % respectivement), et sortir qu'en cas de vraie nécessité (64,4 % et 61,1 % respectivement).  

Les recommandations les moins suivies pour l'ensemble des participants sont : éviter de se toucher le visage (15,5 %), le port du masque (13,0 %), éviter de sortir si ce n'est en cas de vraie nécessité (10,1 %).

Nous avons vu, plus haut, que le port du masque est le geste auquel le moins de Québécois adhéraient au moment de l'étude (voir la figure précédente), beaucoup moins que les participants français. Cela s'explique par le fait que ce geste est fait par choix par seulement la moitié des Québécois (48,9 %), ou parce qu'ils sont supposés le faire (52,0 %), alors que les participants français sont plus nombreux à poser ce geste par choix (59,3 %) et parce qu'ils pensent qu'ils doivent le faire (63,5 %). Les Québécois sont aussi plus nombreux à ne pas savoir pourquoi ils devraient le faire, ne sachant pas ce que cela peut leur donner (17 % vs 12 %). Par contre, les participants français sont un peu plus nombreux à ne pas savoir pourquoi ils devraient se couvrir la bouche et le nez en cas de toux ou d'éternuement (8,4 % vs 2,7 %). Toutes ces différences entre les deux groupes sont significatives.

Les gestes barrières sont par associés à des motivations plus spécifiques comme la peur de la COVID-19 ou plus générales comme la peur de la contamination (en général) et le désir d'appartenir à un groupe.

Vulnérabilité perçue pour soi moindre que pour les proches et pour les autres

Les participants sont partagés concernant la crainte d'attraper la COVID-19. Si plus de la moitié (55,4 %) rapportent n'avoir pas d'inquiétude, le quart se disent plutôt inquiets (25,9 %), et presque un participant sur cinq rapporte être inquiet ou très inquiet (18,7 %). Mais les participants le sont encore plus pour leurs proches, 76 % ayant indiqué être plutôt inquiets ou très inquiets à leur sujet.

Les participants croient aussi que les gens de leur âge sont plus inquiets, que ce soit pour eux-mêmes (54,8 % vs 44,6 %) ou pour leurs proches (82,6 % vs 76 %).

Efficacité et facilité perçues de ces gestes de protection — efficace : oui. Facile? Pas pour tous.

À la question de savoir s'il était facile de poser les gestes recommandés pour se protéger soi-même, la presque totalité des répondants (94,8 %) ont répondu que c'était plutôt ou très facile. Par contre, pour trois participants sur dix (29,4 %), s'il n'est pas facile de poser ces gestes, ce serait encore plus difficile pour les autres personnes du même âge qu'eux.

En conclusion

En somme, ces résultats préliminaires montrent que les participants en France ou au Québec, au moment de participer à cette étude, adhéraient en général aux recommandations de la santé publique/sanitaire de leur pays respectif et qu'ils adoptaient les gestes barrières/protecteurs par choix d'abord, et ensuite parce qu'ils pensaient que c'était ce qu'ils étaient censés faire pour se protéger et protéger leurs proches. Dans ce contexte, on a retrouvé une observation classique selon laquelle chacun pense faire plus fréquemment les gestes attendus que les autres.

Évelyne Vallières
Chercheuse principale, responsable du laboratoire en sécurité routière LIST, Institut LICEF,
Université TÉLUQ, Québec, Canada

Patricia Delhomme
Cochercheuse, directrice de recherche HDR, Laboratoire de Psychologie et d'Ergonomie Appliquées,
Université Gustave Eiffel, France

Thierry Meyer
Cochercheur, Université Paris Nanterre, Vice-Président,
COMUE Université Paris Lumières, France